Ce n'est plus une rumeur!

Augustin Lebeau, journaliste et notaire, 20 décembre 1854

Mes chers amis du futur,

La nouvelle est tombée sur le village comme la première grosse neige de l'hiver : c'est officiel, la loi est passée ! Le gouverneur a signé. Le régime seigneurial est terminé. Fini. Terminus. Kaput.

Depuis que le postillon a apporté la gazette de Québec, le village est sens dessus dessous. À l'auberge, Eustache Lavoie a payé une tournée générale en criant : « Au Progrès ! ». J'ai bien cru que Léon Simard allait s'étouffer avec sa pipe en l'entendant. D'autres, comme la bonne Marie-Louise Beaulieu, sont restés silencieux, l'air de se demander si c'était une bonne ou une mauvaise nouvelle. C'est un peu comme si on avait annoncé que l'hiver était aboli : certains rêvent déjà aux récoltes d'été, et d'autres se demandent comment ils vont faire pour ne pas geler.

Mais attention ! Si vous pensez que tout est réglé, vous vous trompez. En fait, c'est maintenant que le vrai spectacle commence.

Le notaire, maître Laprise, m'a expliqué la suite. Il va devoir faire ce qu'on appelle un "cadastre". Imaginez qu'il doit dessiner une carte géante de toute la seigneurie, et noter sur chaque parcelle de terre tout ce qui s'y trouve, jusqu'au dernier poulailler ! Ensuite, il va devoir sortir sa plus belle plume et son plus grand livre de comptes pour calculer la valeur de chaque "capital à racheter" du village.

Bref, notre bon notaire va avoir assez de travail pour user trois paires de lunettes et vider dix bouteilles d'encre.

Alors voilà. Nous sommes officiellement "libres". Mais personne ne sait encore vraiment ce que ça veut dire, ni combien ça va coûter. Pour l'instant, Prologue retient son souffle. La seule chose certaine, c'est que les prochains mois seront plus intéressants qu'un tour de cartes de Marc Borduas. Et croyez-moi, c'est beaucoup dire !

Votre journaliste dévoué, Augustin Lebeau.

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