L'héritage de la famille Prologue : Un nom sur une rue.

Hélène de Prologue-Tessier, mai 1970

Chers amis,

Je suis la dernière descendante directe de la famille Prologue à porter ce nom, même s'il est maintenant accolé à celui de mon mari. Notre famille ne vit plus au village depuis longtemps. Le manoir a été vendu à la municipalité dans les années 50. C'est aujourd'hui l'hôtel de ville.

L'abolition a été, pour ma famille, une lente descente. Mon arrière-grand-père Gonzague n'était pas un homme d'affaires. Il a reçu une compensation du gouvernement, bien sûr. Mais il n'a jamais su faire fructifier cet argent. Il a vendu les terres non concédées aux Lavoie, morceau par morceau, pour maintenir son train de vie. Mes grands-parents ont fait de même. Ils étaient seigneurs d'un monde qui n'existait plus.

Aujourd'hui, que reste-t-il de la seigneurie de la famille Prologue ? Pas grand-chose. Un nom sur la rue principale du village. Des portraits qui prennent la poussière dans une salle de l'hôtel de ville. Et quoi d'autre?

Certes, le gouvernement nous a versé une somme d'argent finale pour compenser la perte de notre revenu annuel, la "rente constituée". C'était une somme presque symbolique en 1945, mais elle a permis de clore un chapitre.

Je ne ressens aucune amertume. Le monde a changé, et c'est bien ainsi. Le nom "Prologue" n'est plus associé au pouvoir, mais à l'histoire. Et en tant que bibliothécaire, je trouve que c'est une bien plus belle place à occuper. Notre héritage n'est plus dans la terre, mais dans la mémoire. Et la mémoire, du moins, ne peut être ni vendue ni taxée.

Hélène de Prologue-Tessier, arrière-petite-fille de Gonzague Prologue, bibliothécaire à Québec.

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