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Les aventures de Jérôme Lagibotière



Il dort avec les loups


C’était l’automne et je me trouvais dans la région du lac au Sorcier qui est la source de la rivière du Loup. Dans cette région-là, il y a beaucoup de gibier, ça fait qu’il y a aussi beaucoup de loups. Une bonne journée, j’étais dans un très long portage qui monte vers le lac quand, tout à coup, j’ai entendu un charivari de tous les diables, pas loin. Ça grognait, ça sifflait, ça hurlait! On aurait dit que deux gros animaux étaient en train de se battre. Je m’approche prudemment et qu’est-ce que je vois ? Un ours en train de se coltailler avec un loup. J’ai trouvé ça drôle, parce que généralement ces animaux-là, ils s’évitent. Mais là j’ai vu que le loup, c’était plutôt une louve et qu’elle était en train de défendre sa tanière. Elle devait avoir des petits, ça arrive des fois, l’automne.

L’ours, lui, il devait être en train de se chercher un terrier pour l’hiver. C’est comme ça que la chicane a commencé. Mais un ours, c’est pas mal plus fort qu’un loup alors la louve était en train de se faire massacrer. J’ai trouvé ça de valeur, ça fait que j’ai tiré un coup de feu en l’air et je me suis mis à crier. L’ours a eu une peur bleue et il a décampé à toute vitesse. La louve est restée couchée devant son trou. Elle était à moitié morte. Elle saignait de partout et elle avait une patte cassée.

Je me suis approché tranquillement. Elle n’avait même plus la force de me mordre. Je l’ai soignée comme j’ai pu. Je lui ai fait un genre d’attelle après sa patte cassée et je lui ai apporté de l’eau. Après j’ai été étendre des collets pour attraper du lièvre. La louve ne pouvait pas marcher. Si je ne lui apportais pas de viande, elle ne pourrait pas nourrir ses petits et ils finiraient par mourir de faim. J’ai construit un petit abri en avant de la tanière, en cas qu’il pleuve. Et puis je me suis installé avec la louve.


Tant qu’à faire, je voulais rester quelques jours, jusqu’à ce qu’elle aille mieux. La première journée, les petits sont restés cachés au fond de leur trou, mais pendant la nuit, je les ai entendu sortir en couinant. Ils se sont approchés de leur mère et puis ça n’a pas été long qu’ils se sont pendus après ses tétines.

Ils étaient trois et je vous dis qu’ils étaient affamés. Alors j’ai continué à nourrir la louve pendant plusieurs jours avec du lièvre. Même les petits essayaient d’en manger. Et moi aussi, mais je m’éloignais pour me faire un feu parce que les loups ont très peur du feu. Les petits s’étaient habitués à moi et ils étaient comme des chiots. Le soir, au lieu de rester dans leur tanière, ils venaient souvent se coller sur moi, en dessous de ma couverte.

Au bout d’une semaine, la louve a pu commencer à marcher. Elle boitait, mais au moins elle pouvait se déplacer. Encore quelques jours et je pourrais continuer mon chemin. Un soir, que je m’installais pour dormir, en jouant avec les trois louveteaux, j’ai entendu des hurlements pas très loin. Il y avait une meute de loups dans les parages. Ce n’était pas rassurant, surtout que je n’avais pas de feu. Tout d’un coup, la louve s’est levée et elle est partie dans le bois. Moi je suis resté avec les petits. Disons que j’étais un peu nerveux.

Au bout d’un moment, la louve est revenue et elle s’est étendue à côté de moi. Là j’ai vu, dans la noirceur, qu’on n’était plus tout seuls. Il y avait plusieurs ombres qui bougeaient. Je les entendais respirer. Ils se sont approchés un par un pour venir me sentir. Et ils sentaient le loup, mes amis, le gros loup de bois. Vous pouvez être sûrs que je n’ai pas bougé d’un poil! Finalement, j’ai vu qu’ils s’étaient tous couchés autour de l’abri; je ne sais pas si c’est pour dormir ou pour me surveiller. J’ai fini par m’endormir quand même.

Au petit matin, je me suis réveillé comme en sursaut. Les loups! Mais tout le monde était parti. La meute était venue chercher la louve et ses petits. Et moi j’avais dormi avec les loups.

C’est une belle histoire, hein?

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