
Trempés jusqu'aux os et affamés, nous décidâmes de longer le rivage en quête d'un gîte pour la nuit et d'un peu de nourriture. Nous avions tout perdu dans le naufrage, sauf ma précieuse besace que j'avais pris la précaution d'accrocher à mon cou. Janda avait peine à me suivre à travers une forêt drue d'aulnes très enchevêtrés.
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Alors que nous nous étions arrêtés pour permettre à Janda de reprendre son souffle et de refaire ses forces, nous entendîmes des voix qui semblaient venir du faîte de l'escarpement bordant la berge. Je proposai à Janda de m'attendre pendant que je grimperais là-haut pour voir ce qui s'y passait. J'escaladai la pente abrupte et rocailleuse avec mille précautions, me dirigeant sur les voix qui me parvenaient de plus en plus distinctement. Je fus bientôt en vue d'un campement de roulottes faisant cercle autour d'un grand feu qui crépitait de toutes ses braises. Piqué par la curiosité, je m'approchai encore un peu... |
Je sentis alors une lourde main m'agripper par l'épaule. Je me figeai sur place de terreur. "Hé! là! toi, qu'est-ce que tu fais dans les parages?" tonna en même temps la voix rauque et irritée d'un homme de grande stature. Il me traîna jusqu'au campement et me poussa avec rudesse près du grand feu. "Hé! regardez ce que je viens de trouver dans les buissons! Il faudrait bien qu'il nous raconte un peu ce qu'il faisait là à nous épier!"
Mort de peur face à tous ces gens qui me toisaient du regard avec suspicion, je bredouillai le récit de mon voyage, par bribes, sans suite logique... pourquoi et comment j'avais fui ma ville... ma rencontre avec Janda... le naufrage de l'après-midi... À la fin, je m'effondrai en larmes, croyant ma dernière heure arrivée.
À ma grande surprise, cet homme qui, peu auparavant, m'avait traité plutôt brutalement, fit quelques pas en ma direction et, me tapotant les cheveux avec une tendresse virile, lança à la ronde:"Si ce que vient de nous raconter ce jeune homme est vrai, et je crois qu'il dit vrai, il mérite d'être secouru et aidé. Anthony, Jözef, accompagnez-le au bas de la falaise pour chercher la jeune fille. Apportez des couvertures, car elle doit être transie de froid dans ses vêtements mouillés!" On lui obéit promptement.
Peu de temps après, nous étions installés confortablement devant le feu, Janda et moi, dans des vêtements chauds et secs qu'on s'était empressé de nous donner. Des jeunes filles s'affairaient à nous servir un repas si succulent et si copieux que nos estomacs en gémissaient de plaisir. C'était la fête autour de nous. Jeunes et vieux venaient tour à tour nous dire un mot d'encouragement et nous réconforter. Dans tout le campement, on chantait, on riait, on était heureux.
Ces gens si charitables étaient des bohémiens.
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