
Le soleil, rougeoyant comme un disque de métal sortant d'un fourneau de forge, disparaissait derrière la ligne d'horizon lorsque j'aperçus, de loin, la ferme de mon oncle Georges, si je me fiais aux indications que m'avaient données deux jeunes demoiselles rencontrées plus tôt.
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Ému, le coeur battant la chamade, je m'arrêtai un moment avant d'emprunter le petit sentier en pente qui conduisait à une maison de bois de bonne dimension blanchie à la chaux. Dès que je me risquai dans le sentier, un énorme chien noir s'ébroua près de sa niche et aboya paresseusement à deux ou trois reprises. La porte s'entrebâilla et une voix rude grommela un retentissant: «Couché, Bijou!». Remarquant mon hésitation, l'homme sortit et me fit signe d'avancer. Il devait me prendre pour un quêteux ou un vagabond à la recherche d'un emploi. |
«Qu'est-ce qu'on peut faire pour vous, jeune homme?» me lança-t-il, lorsque je fus à portée de voix.
«Je... je suis Ovide... Ovide Polansky... votre neveu... vous... vous savez... le fils de votre soeur... en Pologne... » Il resta un moment silencieux, comme abasourdi par cette annonce, me dévisageant avec insistance.
«Ovide? Ovide!» Il dégringola l'escalier, courut vers moi et mit ses deux lourdes mains rugueuses sur mes épaules. J'étais sans voix, comme pétrifié, les jambes flageolantes...
«Ovide!» Je vis ses yeux s'embuer et il m'étreignit avec force.
«Alice! les enfants! devinez qui est là? C'est Ovide, Ovide, le fils de ma soeur... de Pologne!»
On me fit entrer et j'eus droit au meilleur repas que je pris de toute ma vie. Le festin terminé, je leur fis le récit de mon voyage. Ils buvaient mes paroles avec émotion, incapables, par moment, de retenir leurs larmes.
C'est mon oncle Georges qui brisa le long silence qui suivit: «Tu es courageux, Ovide, comme tous les Polansky, et si ta tante est d'accord, nous t'hébergerons et tu pourras demeurer avec nous aussi longtemps qu'il te plaira.»
Pour toute réponse, ma tante s'approcha de moi et m'entoura de ses bras, m'imprégnant d'une chaleur bienfaisante comme seule l'étreinte d'une mère peut le faire.
J'avais retrouvé un foyer. Mon bonheur aurait été complet si j'avais seulement pu savoir où se trouvait Janda et comment elle se portait.
Ovide Polansky