
Nous étions certains que les soldats, probablement des déserteurs devenus brigands, comme on en comptait tant à l'époque, s'élanceraient à notre poursuite. Nous fûmes bien heureux de constater, quelque temps plus tard, qu'ils avaient renoncé à le faire, préférant sans doute s'installer dans la vieille cabane que nous avions transformée, Janda et moi, en un gîte propre et plutôt confortable.
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Durant les heures qui suivirent, nous nous laissâmes dériver au fil du courant, n'utilisant les rames que pour nous guider et nous éviter de nous rapprocher trop de la rive. Nous comptions, la nuit venue, aborder dans un endroit propice pour prendre du repos et, si possible, trouver un peu de nourriture. |
Vers le milieu de l'après-midi, le temps fraîchit soudainement et d'énormes nuages brunâtres s'amoncelèrent à l'horizon, grondant comme le piétinement d'une harde de bisons poursuivis par des loups. Nous aurions dû regagner la rive dès ce moment. Notre inexpérience faillit bien, ce jour-là, nous coûter la vie!
En effet, quelques instants plus tard, un vent d'une violence inouïe s'éleva, soufflant en rafales. Les vagues, tantôt étincelantes comme des rires, se transformèrent en gueules béantes, bardées de longs crocs, prêtes à nous dévorer. Une pluie dure et froide nous darda le dos comme une poignée d'éclats de verre. La barque roulait et tanguait comme une feuille sèche emportée par un torrent. En un rien de temps elle s'était remplie d'eau... puis tout chavira.
Je refis le premier surface. Un instant d'après, j'aperçus Janda qui se débattait éperdument, la tête à moitié submergée, haletante de panique. Je me précipitai à sa rescousse, l'empoignai fermement par l'épaule et, nageant d'un seul bras, l'entraînai vers la barque qui chahutait à proximité comme un danseur ivre. Je réussis à m'y agripper, bien déterminé à tenir le temps qu'il faudrait. Janda retrouva peu à peu ses esprits et je l'aidai à se hisser sur la coque de la barque. Le vent s'était un peu apaisé et nous pouvions nous maintenir sans trop de mal sur cette frêle bouée.
À peine quelques minutes plus tard, les flots s'étaient calmés comme par enchantement. La pluie diluvienne avait cessé, le vent de tornade s'était transformé en douce brise humide et le soleil faisait des clins d'oeil à travers les nuages qui se dispersaient comme un troupeau de brebis trottinantes.
Notre pauvre barque était échouée dans une anse semée de récifs, tout près de berges rocheuses et escarpées. Elle avait un trou béant sur le flanc gauche. Nous restâmes longtemps rivés à cette épave...
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