Loading...



Le voyage d'Ovide Polansky



Prologue


C'est avec beaucoup d'émotion que je fis mes adieux à monsieur Morse qui, une fois de plus, s'était occupé de toutes les formalités de mon entrée au Canada. Il me promit de m'avertir si jamais il avait l'occasion de revenir à Montréal.

Il fallait maintenant que je me débrouille pour retrouver la trace de mon oncle Georges dont je savais seulement qu'il habitait un petit village nommé Prologue situé sur la rive sud du Saint-Laurent, non loin de Montréal. La tâche fut plus ardue que je ne l'aurais cru. À cette époque, on se méfiait de toute personne qui arrivait de l'étranger, surtout si sa langue maternelle n'était ni le français ni l'anglais. Comme je parlais très mal ces deux langues, j'essuyais rebuffade sur rebuffade de la part des gens auxquels j'osais adresser la parole.


Des jeunes de mon âge allèrent même jusqu'à me fournir de fausses indications sur la route que je devais emprunter pour me rendre chez mon oncle Georges, qu'ils disaient très bien connaître.

Au lieu de gagner la rive sud, je me dirigeai vers le nord. Heureusement, le passeur qui faisait la navette entre l'île de Montréal et la rive nord, un certain Marcel Chabot, me fit comprendre qu'on s'était moqué de moi. Il m'assura que la rive sud du fleuve se trouvait de l'autre côté de l'île, là même où j'avais débarqué la veille. Bon bougre, malgré son air renfrogné, il me conseilla de me rendre à la place du marché, rue Bonsecours, où les habitants des alentours venaient vendre les produits de leur ferme. Il se trouverait sûrement quelqu'un, parmi ces bonnes gens de la campagne, pour m'indiquer le chemin à suivre.

S'agissait-il d'un autre tour qu'on me jouait? Peu importait, au fond, et tôt le lendemain je courus à la place du marché où, déjà, étaient alignés de nombreux charriots regorgeant de légumes et autres denrées, beurre, pain frais, oeufs, fromage.

La première personne que j'interrogeai, une jeune femme dans la trentaine, rondouillette, accorte, le teint frais, me répondit sans ambages qu'elle habitait un petit bourg voisin de Prologue. Elle connaissait de nom un certain Georges Rasmussen, qui avait bonne réputation dans cette localité. Elle me proposa de m'amener jusqu'à son village, une fois terminée la vente de ses produits, si je l'aidais à les décharger du charriot et à les disposer sur l'étal. Elle me confia que son mari s'était blessé la veille et qu'elle avait dû le remplacer au pied levé pour éviter de tout perdre.

Peu après midi, l'étal était vide et nous quittions le marché. Un clocher voisin sonnait l'Angélus du soir lorsque la bonne dame me fit descendre à un carrefour, en m'indiquant la route pour Prologue.

Il me restait , m'informa-t-elle, environ trois lieues à parcourir.

Lire la suite...