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Le voyage d'Ovide Polansky



Une formidable rencontre


Dès le lendemain, je fis de nombreuses démarches pour trouver du travail sur un navire en partance pour l'Amérique. Je ne connaissais que quelques mots de français et tous mes essais se révélèrent infructueux. Il me fallait donc trouver du travail pour survivre et, si possible, pour amasser l'argent nécessaire à mon passage vers une destination si lointaine.

Je me dénichai un premier emploi dans un petit cirque qui présentait des spectacles, le soir, dans les fêtes foraines. Mon numéro consistait à faire des tours de force dont les gens, à cette époque, étaient friands. Entre autres tours, je soulevais sur mes épaules un poney du Shetland qui devait bien peser 500 livres.

Comme cet emploi me permettait à peine d'assurer ma subsistance, je dus vite me résoudre à trouver une autre occupation. Travailler dans le port où à proximité de celui-ci me semblait idéal. Un compatriote polonais que j'avais connu plus tôt, au hasard des rencontres, m'introduisit à son patron qui était contremaître d'une compagnie de navigation.


Ma carrure et ma robustesse semblèrent l'impressionner et il m'engagea comme garçon d'entrepôt et porteur de bagages. Je réussissais tant bien que mal à cumuler ces deux emplois, malgré la fatigue qui, certains jours, me terrassait.

Six mois se sont ainsi écoulés. Je m'exprimais de mieux en mieux en français grâce à mes compagnons et compagnes du cirque, une joyeuse bande de loustics plutôt bizarres, mais très dévoués et fidèles en amitié. Je baragouinais aussi quelques mots d'anglais que j'apprenais au contact des voyageurs dont je portais les bagages.

C'est ce qui me permit de faire la plus formidable rencontre de ma vie. Un jour, un monsieur d'un certain âge, impeccablement vêtu, se présenta au port pour enregistrer ses bagages. C'est moi qu'on désigna pour les transporter. Je me présentai à lui et lui fis part, tout en manipulant avec précaution ses nombreuses caisses et valises, de mon ardent désir de me rendre un jour en Amérique. ll m'écouta avec attention et intérêt, me demandant à plusieurs reprises de répéter ce qu'il n'avait pas compris. Mon travail terminé, il m'entraîna un peu à l'écart et me dit , en détachant bien ses mots: "I leave tomorrow for Montreal, Canada. You want to go there? I guess I may do something for you, boy. Be here tomorrow morning at eleven with your papers. You understand, son, at eleven... with your papers." "Yes...yes, sir...tomorrow...eleven...I am here...with papers."

Le lendemain, à midi, je m'embarquais avec lui sur le Washington, un rutilant paquebot à roues à aubes. Il avait défrayé le coût de mon passage et s'était occupé de toutes les formalités de mon embarquement.

Ce monsieur, c'était Samuel Morse, l'inventeur du télégraphe.

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