
À quinze ans, on est souvent téméraire et un peu fou. On croit tout connaître et c'est ainsi qu'il nous arrive de commettre des imprudences et parfois même, des bêtises... Mais commençons par le commencement.
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À ma naissance, en 1834, l'armée russe contrôlait presque tout mon pays, la Pologne. Bien sûr, le peuple polonais acceptait mal cette situation. Il faut dire que les soldats russes lui faisaient la vie dure: ils arrêtaient les gens à tout propos, les interrogeaient et les jetaient au cachot sans raison valable. Ils s'emparaient de tous les biens et de toutes les richesses, si bien que les Polonais vivaient dans la misère la plus noire! |
Dès mon enfance, j'ai donc appris à me méfier des soldats de l'armée russe et même à les haïr.
Je sais, ce n'est pas bien de détester les gens... mais lorsqu'on nous prive de tout, lorsqu'on nous maltraite et qu'on nous interdit même de parler notre langue, il est difficile d'étouffer en soi les sentiments de rancoeur et de haine.
C'est ainsi que vers l'âge de 12 ou 13 ans, je me suis joint à un groupe de jeunes qui s'amusaient à jouer des tours aux soldats russes qui gardaient la ville. Au début, nos tours étaient tout simplement drôles...Par exemple, nous leur faisions parvenir toutes sortes de messages contenant de l'information erronée: «il y a une bagarre à tel endroit», «telle personne recherchée se trouve dans telle rue»... Les soldats russes se précipitaient vers le lieu en question et cela nous faisait bien rire.
Mais peu à peu, nous nous sommes enhardis et nos tours sont devenus plus sérieux. Une fois, nous avons capturé un soldat qui effectuait sa ronde de nuit, puis nous l'avons ligoté et emplumé après l'avoir enduit de mélasse. Nous nous croyions invincibles jusqu'au jour où les soldats russes ont eu des soupçons et qu'ils ont commencé à nous surveiller. Et ce qui devait arriver arriva. Un soir, nous sommes tombés dans une embuscade et la plupart de mes copains se sont fait attraper. Sous la torture, on les a forcés de dévoiler les noms de tous ceux qui faisaient partie de la bande. Alors les soldats sont venus à la maison et ont menacé mes parents des pires sévices s'ils ne me livraient pas à eux. Ils ont tout saccagé sur leur passage, tout... Pour leur éviter le pire, j'ai décidé de quitter la ville, du moins momentanément...
Malgré le danger que cela pouvait représenter pour lui, c'est mon cousin Roman qui m'a conduit hors de la ville dans un tombereau tiré par une vieille bourrique famélique. J'étais dissimulé sous un tas de fumier si puant que même les soldats des patrouilles russes n'ont pas songé un instant que quelqu'un pouvait s'y trouver. C'est ainsi que j'ai pu sortir de la ville...
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