
N'ayant pour tout butin qu'une vieille besace de cuir contenant quelques papiers, un croûton de pain et des saucisses, j'ai pris la route après avoir longuement serré mon cousin dans mes bras. Désemparé, je sanglotais, ne sachant que faire ni où aller. J'ai marché ainsi toute la nuit jusqu'à l'épuisement.
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C'est une patrouille de soldats à cheval qui m'a réveillé brusquement. J'ai eu très peur d'être vu et de me faire prendre, car à cause de ma grande fatigue, je n'avais pas pris la précaution de m'éloigner suffisamment de la route. Tout en grignotant un peu de pain et un bout de saucisse, je me remis en marche, l'oreille aux aguets au cas où une autre patrouille viendrait à passer. Je savais que je me dirigeais vers le nord, d'après la place du soleil dans le ciel, n'ayant toutefois aucune idée de la ville ou du village où la route me menait. |
Vers midi, j'ai aperçu deux jeunes hommes qui parlaient en gesticulant, assis au bord d'un ruisseau qui traversait le chemin. Ils m'ont salué et m'ont invité à me joindre à eux. Ils se rendaient, disaient-ils, au port de Gdansk. Il y avait du travail à cet endroit, leur avait-on appris. Je leur offris un peu de mes maigres provisions, car ils semblaient affamés.
Nous avons marché ensemble jusqu'à la nuit tombée. Leur compagnie me redonnait courage. Ils avaient l'air de savoir comment se rendre à Gdansk et m'ont fourni, dans le détail, les étapes de leur itinéraire. Au soir, nous nous sommes arrêtés pour bivouaquer dans un bosquet de pins centenaires. Nous avons allumé un petit feu et j'ai partagé avec eux l'une de dernières saucisses. Il faisait assez doux et le tapis d'aigrettes mortes nous faisait un matelas presque aussi doux que de la plume. Nous nous endormîmes promptement.
Au matin, ils avaient disparu. Ils s'étaient défilés avec mon reste de quignon de pain et mes saucisses. Heureusement, ils m'avaient laissé ma besace et mes papiers. Un instant, l'idée m'est-elle alors venue de tout abandonner, de rentrer à la maison et de me livrer aux soldats...La faim me tenaillait, j'étais transi et je puais comme cent putois!
Assis la tête entre les jambes, je pensais à mes jours heureux avec mes parents, malgré la pauvreté et la misère. Là, je me suis souvenu d'un oncle qui était parti, il y avait plusieurs années, s'établir dans une contrée lointaine... Le Canata? Le Canada? Ce dernier écrivait quelquefois à sa soeur, ma mère. Alors, je me suis dit qu'en me rendant à Gdansk je devrais bien trouver un moyen d'aller le rejoindre dans ce pays où, disait-il, il vivait à l'aise. Je reprenais courage...
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